" Cette année là, on était dans la chaleur. Tout sentait fort : La paille coupée, la peau blonde des filles, le suint des chevaux transpirant sous le cuir et le vin englué dans la moustache en croc des hommes. Ca sentait la terre chaude et la sueur sur les torses, ça sentait la vie sous les chemises des paysans, sous les casquettes des ouvriers. On était aussi dans le vibrillionnement, celui des insectes noirs, agacés par la touffeur de l'air. Celui des premières moissonneuses batteuses agitant leurs écheveaux de bois et celui des préparatifs à la frontière.
On était dans le bruit des clairons ‑ dans les chants guerriers - le bleu, blanc, rouge fleurissait aux fenêtres,,le drapeau se vendait bien. Ca gueulait dans tous les sens.
Ca fleurait bon la bêtise, celle des arènes, des cirques antiques, celle des stades, celle du nombre.
Évidement il avait fallu orchestrer un peu tout cela, mettre un peu de terreau, refroidir deux ou trois pantins s'agitant dans l'air, un tribun dans un café Parisien et un Archiduc je ne sais plus où mais globalement les choses s'étaient déroulées plutôt facilement. Quand les ingrédients sont bien dosés, le cocktail explose facilement.
On est pas déçu.
Les hommes avaient envie de se battre, ils allaient se battre. L'ambiance était primaire, pour les couleurs il fallait en rester là.
Du bleu, pour les képis, du jaune pour les pompons, du rouge - du garance - si intense, de l'or, enfin du laiton pour les pointes de casque.
Un peu de noir pour faire chanter tout cela. On allait commencer dans le clinquant, dans le cliquetis pour les bruits - à l'ancienne. Pour le reste on verrait plus tard.