Corps noyés dans la brume. Couleurs incertaines : bleu cæruleum marbré de rose, blanc veiné de jaune. Silhouettes se détachant nettement ou à peine. Les corps se tordent.
C'est un instant de lutte. Une solide empoignade, un affrontement joyeux. Des deux combattants, aucun n'existe dans le temps ; pas de mémoire ou de mots inutiles. Seuls comptent la force et les gestes mille fois répétés. Je peinds pour arrêter cet instant où l'un des deux bascule
dans l'espace – Prétexte.
Tout acte créatif recèle sa douleur, parce qu'il est solitaire. On peint finalement pour savoir qui, de soi ou de sa peinture, aura le dernier mot. Peindre une pomme, deux hommes qui luttent ou des entrelacs colorés, quelle importance puisque seul compte l'acte de peindre…
et peut-être la manière.
De l'art de peindre
ou de combattre, quelle différence ? Simple jeu, dépassement de soi, exutoire à l'angoisse ou sacrifice aux divinités, aux chers morts…
Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, il faut simplifier, ne garder que l'essentiel. Accepter la griffure, maîtriser la distance et comme dit François Ponge, revenir à l'erreur reconnue. Alors, ces deux corps qui se cherchent, se saisissent, se repoussent et finalement s'étreignent, dépassant le cadre de la simple représentation sportive, m'apparaissent bien
plus comme les ombres projetées de tout être,
en proie à ses doutes, ses misères, mais qui, oubliant un instant l'issue fatale du combat, s'abandonne au bonheur joyeux de vivre,
au plaisir instinctif et païen de combattre.